François Fillon, le candidat de la droite à la présidentielle, propose de mettre fin à la durée légale de 35 heures, laissant aux entreprises la liberté de déterminer leur durée du travail. Quels seraient les impacts de la réforme ?
Seule serait fixée dans la loi une durée maximum hebdomadaire de 48 heures, selon la norme européenne. Le candidat renvoie la définition du temps de travail à la négociation d'entreprise, sauf pour les plus petites, où elle sera décidée au niveau de la branche.
Question: est-ce la fin des heures supplémentaires majorées?
Réponse: en théorie, non. La durée légale de 35 heures serait supprimée mais les entreprises "définiront le seuil effectif de déclenchement des heures supplémentaires" "par le biais d'accords" avec les syndicats, prévoit M. Fillon.
Cependant, les heures supplémentaires pourront disparaître ou seront moins nombreuses si les entreprises choisissent de relever le seuil.
Q: travaillera-t-on plus pour le même salaire?
R: tout dépend du niveau de salaire et du choix de l'entreprise. Un salarié payé au Smic verra obligatoirement son salaire augmenter s'il fait plus d'heures, pour respecter le taux horaire minimum.
Mais pour l'immense majorité des salariés au dessus du Smic, ce serait plus incertain.
Certes, "le taux horaire ne peut être modifié sans accord du salarié", rappelle Emmanuel Dockès, professeur de droit. Mais s'il refuse de travailler plus pour le même salaire, "l’employeur peut le licencier dans le cadre d’une procédure de licenciement économique individuel, comme le prévoit la loi travail", explique Sylvain Niel, avocat chez Fidal. Dans le projet du candidat de la droite, l'accord collectif s'imposera au contrat de travail individuel.
Mais seules les entreprises faisant face à des "difficultés économiques" pourraient être amenées à demander ce "sacrifice sur le salaire", estime cependant l'avocat.
"Ce que nous avons besoin de garder, c'est la motivation", rassure François Asselin, président de la CGPME, qui n'exclut pas des compensations financières.
Philippe Vidal, président d'un cabinet de conseil en ressources humaines, pointe néanmoins un risque pour les entrants sur le marché du travail "qui risquent de travailler plus pour un salaire probablement proche de ce qu'ils auraient eu avec la législation actuelle".
Q: le temps de travail sera-t-il forcément révisé?
R: "c'est à l'entreprise de décider" et négocier, explique François Bouvard, le coordinateur du projet de François Fillon, convaincu que la durée maximum de 48 heures est "un repoussoir qui devrait encourager la négociation".
Dans son projet, le candidat de la droite fait également valoir que "le passage à 39 heures dans la fonction publique donnera une indication du temps de travail cible" aux entreprises du secteur privé.
Faute d'accord avec les syndicats, la possibilité de référendum est envisagée "pour dépasser les blocages", selon M. Bouvard. "Il faudrait ne pas être obligé de passer systématiquement par la case syndicale car, sinon, cela ne fonctionnera pas dans les petites entreprises", demande instamment François Asselin.
Sans accord ni référendum positif, "les accords d’entreprise ou de branche en vigueur resteront valables", sauf si une loi prévoit le contraire, précise l'avocat Sylvain Niel.
In fine, la concurrence entre entreprises pourra s’accroître entre celles qui réussiront à baisser le coût horaire du travail et les autres, avec "un risque de dumping social" pour les salariés, selon Pascal Lokiec, professeur de droit social à Paris-Nanterre.
Q: est-ce que cela peut créer de l'emploi?
R: les avis divergent. Pour Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, la mesure n'aura pas d'effet bénéfique à court terme, au contraire: "les entreprises vont être incitées à augmenter la durée du travail de leurs salariés plutôt qu'à embaucher".
A long terme, l'amélioration de la compétitivité pourrait créer des emplois. Selon Denis Ferrand, de CEO-Rexecode, "les indicateurs montrent qu'il y a une relation entre des règles de souplesse du marché du travail, d'organisation de la négociation et les performances en termes d'emplois".
Les deux économistes s'accordent sur le fait qu'il est impossible de chiffrer le nombre de créations d'emplois éventuelles.